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vendredi 16 mai 2014

Friedrich Hölderlin, "En bleu adorable"



En bleu adorable 


En bleu adorable fleurit
Le toit de métal du clocher. Alentour
Plane un cri d’hirondelles, autour
S’étend le bleu le plus touchant. Le soleil
Au-dessus va très haut et colore la tôle,
Mais silencieuse, là-haut, dans le vent,
Crie la girouette. Quand quelqu’un
Descend au-dessous de la cloche, les marches, alors
Le silence est vie ; car,
Lorsque le corps à tel point se détache,
Une figure sitôt ressort de l’homme.
Les fenêtres d’où tintent les cloches sont
Comme des portes, par vertu de leur beauté. Oui,
Les portes encore étant de la nature, elles
Sont à l’image des arbres de la forêt. Mais la pureté
Est, elle, beauté aussi.
Du départ, au-dedans, naît un Esprit sévère ;
Si simples, sont les images, si saintes,
Que parfois on a peur, en vérité,
Elles, ici, de les décrire. Mais les Célestes,
Qui sont toujours bons, du tout, comme riches,
Ont telle retenue, et la joie. L’homme
En cela peut les imiter.
Un homme, quand la vie n’est que fatigue, un homme
Peut-il regarder en haut, et dire : tel
Aussi voudrais-je être ? Oui. Tant que dans son cœur
Dure la bienveillance, toujours pure,
L’homme peut aller avec le Divin se mesurer
Non sans bonheur. Dieu est-il inconnu ?
Est-il, comme le ciel, évident ? Je le croirais
Plutôt. Telle est la mesure de l’homme.
Riche en mérites, mais poétiquement toujours,
Sur terre habite l’homme. Mais l’ombre
De la nuit avec les étoiles n’est pas plus pure,
Si j’ose le dire, que
L’homme, qu’il faut appeler une image de Dieu.

Est-il sur la terre une mesure ? Il n’en est
Aucune. Jamais monde
Du Créateur n’a suspendu le cours du tonnerre.
Elle-même, une fleur est belle, parce qu’elle
Fleurit sous le soleil. Souvent, l’œil
Trouve en cette vie des créatures
Qu’il serait plus beau de nommer encore,
Que les fleurs. Oh ! comme je le sais ! Car
À saigner de son corps, et au cœur même, de n’être plus
Entier, Dieu a-t-il plaisir ?
Mais l’âme doit
Demeurer, je le crois, pure, sinon, de la Toute-Puissance avec ses ailes
 approche
L’aigle, avec la louange de son chant
Et la voix de tant d’oiseaux. C’est
L’essence, c’est le corps de l’être.
Joli ruisseau, oui, tu as l’air touchant
Cependant que tu roules, clair comme
L’œil de la Divinité par la Voie Lactée,
Comme je te connais ! des larmes, pourtant,
Sourdent de l’œil. Une vie allègre, je la vois dans les corps mêmes
De la création alentour de moi fleurir, car
Je la compare sans erreur à ces colombes seules
Parmi les tombes. Le rire,
On le dirait, m’afflige pourtant, des hommes
Car j’ai un cœur.
Voudrais-je être une comète ? je le crois. Parce qu’elles ont
La rapidité de l’oiseau ; elles fleurissent de feu,
Et sont dans leur pureté pareilles à l’enfant. Souhaiter un bien plus
 grand,
La nature de l’homme ne peut en présumer.
L’allégresse de telle retenue mérite elle aussi d’être louée
Par l’Esprit sévère qui, entre
Les trois colonnes souffle, du jardin.
La belle fille doit couronner son front
De fleur de myrthe, parce qu’elle est simple
Par essence, et, de sentiments.
Mais les myrthes sont en Grèce.
Que quelqu’un voie dans le miroir, un homme,
Voie son image alors, comme peinte, elle ressemble
À cet homme. L’image de l’homme a des yeux, mais
La lune, elle, de la lumière. Le roi Œdipe a un
Œil en trop, peut-être. Ces douleurs, et
D’un homme tel, ont l’air indescriptibles,
Inexprimables, indicibles. Quand le drame
Produit même la douleur, du coup la voilà. Mais
De moi, maintenant, qu’advient-il, que je songe à toi ?
Comme des ruisseaux m’emporte la fin de quelque chose, là,
Et qui se déploie telle l’Asie. Cette douleur,
Naturellement, Œdipe la connaît. Pour cela, oui, naturellement.
Hercule a-t-il aussi souffert, lui ?
Certes. Les Dioscures dans leur amitié n’ont-ils pas,
Eux, supporté aussi une douleur ? Oui,
Lutter, comme Hercule, avec Dieu, c’est là une douleur. Mais
Être de ce qui ne meurt pas, et que la vie jalouse,
Est aussi une douleur.
Douleur aussi, cependant, lorsque l’été
Un homme est couvert de rousseurs —
Être couvert des pieds à la tête de maintes taches ! Tel
Est le travail du beau soleil ; car
Il appelle toute chose à sa fin. Jeunes, il éclaire la route aux vivants,
Du charme de ses rayons comme avec des roses.
Telles douleurs, elles paraissent, qu’Œdipe a supportées,
D’un homme, le pauvre, qui se plaint de quelque chose.
Fils de Laius, pauvre étranger en Grèce !
Vivre est une mort, et la mort est aussi une vie.


Friedrich Hölderlin 

Traduction André du Bouchet 
in Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, 1977



                                  "Operación deseante" de Amelia Díez Cuesta





"Inexplicablemente" de Miguel Oscar Menassa

DISCOURS D’AMÉRIQUE - POÉSIE, PSYCHANALYSE, FOLIE par Miguel Oscar Menassa Chamli


PRE-SCRIPTUM

La différence entre l’écriture et ce que l’homme qui écrit peut avec sa vie, est un drame qui jusqu’à maintenant n’a pu être résous qu’avec la mort, la folie ou la terrible maladie, chez tous les maudits ou chez ceux qui sans arriver à l’être l’ambitionnaient.

 La vie de l’écriture est la vie de l’écriture et la vie de l’écrivain est un inconvénient minimum que l’écriture surpasse dans tous les cas. 

Prétendre, jusqu’à présent du moins, faire concorder la vie de l´écriture avec la vie de l’écrivain, c'est dans tous les cas remplir l’écriture d’opacités.

Pas, comme on dit, une vie humaine qui pour se donner à l’écriture laissera en elle une marque, sinon une vie qui à être assujettie par l’écriture recevra d’elle une marque, qui  dans tous les cas est, comme nous le savons, insupportable.

Si l’écriture, c'est-à-dire, la formation matérielle historique de la production du langage écrit, doit être matérialité de toute production scientifique et littéraire. Cela ne doit pas être elle qui se verra surdéterminée par le sujet psychique que, elle-même, elle utilise dans sa réalisation. Sujet qui subira, en tombant sous la surdétermination du système écriture, une déviation, précisément en ce qui pour l’instant le détermine comme sujet de l’inconscient et comme sujet des relations de production.

L’écriture ne respecte aucune maladie, ni aucune position de classe, elle dispose de ses propres catégories, elle attribue des positions de classe qui rien ou très peu n'ont à voir avec les systèmes de production dominants.

Je dis, sans savoir s’il sera nécessaire d’arriver à une démonstration, que celui de l’écriture est un système autre que le système Autre où le sujet est, j’insiste, pour l’instant, l’intersection de deux enchaînements, à un autre et à un Autre de lui.

Les lois de l’écriture ni même sont les lois du langage, ainsi que, si l’inconscient est structuré comme un langage ce sera une chose et s’il est structuré comme une écriture cela en sera une autre.

Et écriture, c'est toujours, si je m’y anime, différent à écrire. Ce n’est pas le trait, c’est le temps du trait, c'est-à-dire, sa propre temporalité.

Écrire sur ce qui nous aveugle pour nous utiliser dans son développement c'est fort, quelque chose comme tenter de retenir ma propre circulation sanguine pour l’étudier, elle, elle ne le permettra à personne. Arrêter son cours pour que quelqu’un puisse la posséder, pour que quelqu’un puisse dire quelque chose d’elle, avant qu’elle-même ne produise ses sens, je ne peux même pas me l’imaginer.

Et malgré tout je sais, que sans imagination ce sera impossible, j’insisterai, on voit que de nouvelles combinaisons me font encore peur. Œdipe me domine encore, je suis encore asservi  à deux illusions : Avoir la valeur. Avoir le phallus. Je ne désire qu’absences encore, je suis un amant de l’immortalité, j’ai peur de l’infinitude, je préfère que le monde continue d’être : un peu d’argent et la photographie de mes parents morts.