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mercredi 29 août 2012

NAZIM HIKMET:  DE VOS MAINS ET DU MENSONGE

Vos mains graves comme les pierres
tristes comme les airs chantés dans la prison
lourdes, massives commes les bêtes de somme,
vos mains qui ressemblent aux visages furieux des gosses affamés!

Vos mains légères, habiles comme les abeilles,
chargées comme les mamelles de lait,
intrépides comme la nature,
vos mains qui gardent sous leur peau dure l’affection et l’amitié.

Notre planète ne tient pas entre les cornes d’un bœuf,
elle tient entre vos mains...
Ah les hommes, les nôtres,
On vous nourrit de mensonges
alors qu’affamés
il vous faut du pain, de la viande,
Vous quittez ce monde aux branches lourdes de fruits
sans avoir mangé une seule fois sur une nappe propre.

Ah les hommes, les nôtres,
           surtout ceux d’Asie, d’Afrique,
           du moyen et du proche Orient,
           des Iles du Pacifique
           et ceux de mon pays,
c’est-à-dire plus de soixante-dix pour cent des
         hommes,
vous êtes endormis, vous êtes vieux....
Vous êtes curieux, vous êtes jeunes comme vos
        mains...

Les hommes, ah les nôtres,
mon frère d’Europe ou d’Amérique,
tu es alerte, tu es audacieux,
et tu es étourdi comme tes mains,
on te ment, on te fait marcher...

Les hommes, ah les nôtres,
si elle mentent les antennes,
si elle mentent les rotatives,
s’ils mentent les livres,
s’ils mentent, l’affiche, l’avis sur la colonne,
si elle mentent sur l’écran
                      les jambes nues des filles,
si la prière ment,
si elle ment la berceuse,
s’il ment le rêve
s’il ment celui qui joue du violon dans le cabaret,
s’il ment, le clair de la lune
                     dans les nuits désespérées,
si elle ment la parole,
si elle ment la couleur,
si elle ment la voix,
s’il ment, celui qui exploite vos mains,
si tout le monde et toutes les choses mentent
                       à l’exception de vos mains,
c’est pour qu’elles soient obéissantes, comme
        l’argile
                        aveugles comme les ténèbres
                         idiotes comme le chien de berger
et pour que ne se révoltent pas vos mains
et pour que ne finisse pas cette injustice,
                     le rêve du trafiquant
                     dans ce monde mortel
                      dans ce monde où il ferait bon de
                              vivre.
 
NAZIM HIKMET 
 
 
Traduit par Hasan Gureh (Sabahattin Eyuboğlu)

Anthologie poétique, EFR, Paris, 1964.
 
                                                        

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